Basango-ya-Brazza.

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Une sexualité maitrisée pour réussir sa scolarité

Une sexualité maitrisée pour une scolarité réussie

 

  Brazzaville, de plus en plus d'adolescentes abandonnent leurs études pour élever leurs enfants. La disparition des cellules gratuites d’écoute dans les écoles et l'ignorance des méthodes contraceptives compromettent les destins de ces trop jeunes mamans... Travailleurs sociaux, OSC et autorités tirent la sonnette d'alarme.

 

"Je vivais chez ma tante paternelle quand j'ai su que j'étais enceinte. J'avais alors 15 ans", témoigne Nathalie*. Âgée aujourd'hui de 18 ans et élève en Terminale au lycée agricole de Brazzaville, elle se souvient avoir été renvoyée chez son père. Elle entrait alors au lycée : "Chez lui, je devais faire toutes les corvées ménagères et m'occuper de mes cinq frères et sœurs. En classe, j’étais épuisée. Mon travail scolaire a commencé à s'en ressentir, alors que j’étais avant parmi les meilleurs élèves. Le directeur, avec l’accord des enseignants, était prêt à me renvoyer. Mais, l'assistance sociale est intervenue et j'ai obtenu une bourse de 45 000 Fcfa (près de 70 €) par trimestre."

"Avec le lycée technique, nous sommes parmi les seuls établissements à avoir des cellules d’écoute. Nos élèves sont pour la plupart issus de parents de paysans pauvres. D’où ces aides sociales pour les inciter à finir leur cursus", précise madame Bemba, la cinquantaine, assistante sociale au lycée agricole.

Un appui que Mireille, 19 ans, n'a pas eu : "Sur incitation de ma meilleure amie, j’ai eu des relations sexuelles non protégées… Je suis tombée enceinte à 14 ans. J'étais alors en 4ème. Une erreur que je regrette amèrement…" Abandonnée par son petit ami et "sans soutien de mes parents, j'ai été obligée d’aller vendre au marché. Cela me permet de m’occuper de mon enfant", explique la jeune maman. Elle loge pour l'instant chez son grand-père et espère économiser assez d’argent pour apprendre le métier de coiffeuse.

 

Retour des cellules d'écoute ?

Au Congo Brazzaville, les mésaventures de Mireille ne sont pas isolées. Ainsi, si le taux de scolarisation des filles est de 52 % au primaire, il chute à 39 % au secondaire en raison de la pauvreté des parents, mais aussi des mariages et maternités précoces. Une évolution inquiétante, qui devrait d'autant plus interpeller les autorités, que 2013 a été déclarée par le président de la République "Année de l’éducation".

Plusieurs travailleurs sociaux, OSC et autorités espèrent ainsi le retour rapide des cellules gratuites d’écoute. Entre 1979 et le début des années 1990, chaque collège et lycée dit étatique était doté de ce dispositif grâce auquel les adolescentes discutaient avec des assistantes sociales. "Mais, cela a été a supprimé à la suite des nombreux conflits que le Congo a connus. Aujourd'hui, quelques cellules se rétablissent. Mais, la grande difficulté reste les fonds alloués à ces initiatives", fait savoir madame Sona, assistante sociale au collège de Kinsoudi (quartier sud de Brazzaville), admise à la retraite. Raphaël E. Akoli, agent du ministère des Affaires sociales et de la solidarité a dernièrement réalisé une étude sur les filles mères et la réouverture de ces cellules. Il espère que son travail sera apprécié par sa ministre de tutelle, afin dit-il, "que nous bénéficions des fonds essentiels pour nous mettre à l’ouvrage". Il explique : "La présence des assistantes sociales dans les écoles est impérative, car, à notre niveau, nous ne faisons pas de prévention. Les adolescentes qui viennent nous voir ont déjà abandonné les cours et cherchent de nouvelles issues pour s’insérer très vite dans la vie professionnelle."

 

Sous-informées et déjà enceintes…

De son côté, l'Association congolaise pour le bien-être familial (ACBEF), première ONG au Congo à dispenser des services de santé sexuelle et reproductive, a crée un centre pour les jeunes et des services de proximité à Brazzaville. Cette association est débordée par des femmes et des adolescentes qui n'ont pas toujours les moyens de payer la consultation. Madame Léandre, assistante sociale, précise : "En général, nous avons un petit fonds pour aider les plus démunies." Insuffisant pour faire face à l'afflux de très jeunes femmes sous-informées. "Près de la moitié de nos patientes sont des adolescentes. Elles viennent se renseigner sur les méthodes contraceptives, mais elles sont nombreuses à se lancer dans l’activité sexuelle sans prendre avant leurs précautions...", déplore une infirmière à l’ACBEF.

"Au cours des examens gynécologiques de routine, on découvre que la mineure est enceinte, alors qu'elle est venue se renseigner... Beaucoup disparaissent après la consultation, quand je demande à voir leurs parents", confirme Michelle Kizonzi, infirmière au Centre de santé intégré (CSI) à Kinsoudi. Elle ajoute : "Chaque jour, nous recevons environ dix filles venues des établissements environnants. Parmi elles, au moins quatre sont enceintes. Elles ont, généralement, entre 14 et 17 ans..."

Pour Raphaël E. Akoli, rouvrir des infirmeries ou cellules d’écoute dans les collèges et les lycées est donc plus que jamais urgent : "Si l'adolescente est informée sur sa sexualité, elle saura la maîtriser, ne tombera pas enceinte et dépassera le cap du lycée sans problèmes !"

 

Annette Kouamba Matondo

*Prénom d'emprunt

 



01/02/2013
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