Basango-ya-Brazza.

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Ulruch Ntoyo


« Si vous faites rien pour vous-même, mourez »

 

De retour à Brazzaville, ou il a participé au festival Mantsina sur scène, et ou il a fait un breack au sein de sa famille, Ulrich Ntoyo, artiste comédien, conteur et marionnettiste résidant en France, nous parle de sa passion pour la marionnette, son association, ses  projets mais aussi de l’art en général

 

A  quoi ressemble une de tes journées  en France?

Ulrich Ntoyo: Quand je me réveille le matin, je vais courir, histoire de garder la forme, car quand un corps n’a pas été préparé, il ne tient pas sur scène. A mon retour, je regarde mon planning, mais en général je suis dans mon atelier ou  je passe mon temps à la fabrication des marionnettes, soit à écrire un texte, ou à faire une petite mise en espace. Mes journées varient par rapport à la demande de mon agent qui gère mon emploi du temps. En un mois, je peux dormir chez moi peut être une semaine, c’est  triste de le dire mais,  payer un loyer ou tu ne vis pas, c’est  aussi cela la vie d’un artiste. En fait, il est difficile  que je ne dorme avant une heure du matin.

 

Comment t’est venu l’idée de créer une association?

Ulrich Ntoyo : Quand je suis arrivé en France, j’avais un contrat avec les écoles en Normandie, je n’avais que huit heures de travail par semaine et le reste du temps je m’ennuyais chez moi car je ne connaissais personne. Un jour je suis tombé sur journal, et il y avait une séance de casting, j’ai décidé de tenter ma chance et j’ai envoyé mon CV en leur signifiant que je m’ennuyais chez moi. Ils m’ont répondu qu’il n’ y avait plus de places libres mais que je pouvais assister aux répétitions.  Le jour de la répétition un miracle s’est produit, un artiste convié à la séance ne s’est présenté. On me demande de monter sur la scène, et à la fin, on me confie le rôle, et l’autre comédien a été viré. Deux ans durant j’ai travaillé avec cette association et le travail commençait à prendre de l’ampleur, mais mon revenu financier ne me convenait plus. Je me suis levé un matin et je me suis présenté au bureau des impôts ou j’ai crée mon entreprise, sous le titre de travailleur indépendant. Mais seulement en tant que travailleur, je n’avais pas le droit de dépasser le chiffre de 27 milleeuro par année. Premier inconvénient, tu es limitais en ce qui concerne ton revenu, ensuite tu as 35 % de ton revenu qui est récupéré par les impôts. Et c’est énorme.

 

Et quand est ce qu'est née ton association?

Ulrich Ntoyo : A la suite de ma rencontre avec Naima Qadery, une jeune femme très dynamique qui m’a proposé de son aide. On a fait un deal, elle devait m’aider à m’installer et moi je devais l’apprendre à faire la marionnette. De son coté, Naima  me trouvait des dates pour que je joue. Ça marchait tellement bien que nous avons  décidé de créer une structure ou nous serons nous même les patrons. Au départ, Naima avait un peu peur et ne voulait se lancer dans un domaine qu’elle ne maîtrisait pas, moi j’avais une petite expérience que j’avais acquis au Congo par rapport à Mantsina et au Riapl, respectivement festival de théâtre et de conte. Pour ce faire, nous avons trouvé une compagnie qui nous a pris  en compagnonnage. Donc pendant deux ans nous étions en compagnonnage avec le théâtre d’Illusia qui est dirigé par Marija Niken, une finlandaise qui fait la marionnette sur eau. Donc pendant deux ans j’appris à ces cotés et j’ai pris mon envol au mois de janvier. Voila comment est née mon association Youle Cie

 

Pourquoi cette appellation ?

Ulrich Ntoyo : Elle me rappelle mon oncle Simon Pierre. Quand j’ai pris la décision de ne plus continuer mes études parce que j’avais une tournée en vue, il m’a tout simplement dit « il  y a des choses qui sont utiles et des choses qui sont importantes et les choses qui sont importantes ne sont pas forcement utiles et celles qui importantes ne sont parfois pas utiles, à toi de faire le choix ». J’ai longtemps réfléchis sur cette maxime, et c’est tout simplement en son honneur que j’ai nommé  mon association Youle Cie  car c’est ainsi qu’il m’appelle.

 

On dit souvent que chaque marionnettiste a une marionnette fétiche, en avez vous une ? Et comment elle s’appelle ?

Ulrivh Ntoyo : La marionnette que j’affectionne s’appelle Patricia, c’est une marionnette dansante à fil, fait à base de latex. Elle est comme celle qu’on rencontre ici avec une différence en ce qui concerne la technique. À la base c’était une commande du chorégraphe Camel Ouali qui m’avait demandé de lui fabriquer six marionnettes dansantes pour son spectacle.  Depuis  lors, Patricia, ne quitte plus.

 

Vous parlez  de la marionnette avec passion, mais quel l’aspect le plus difficile de votre métier ?

Ulrich Ntoyo : C’est donner la vie aux objets, c’est de fabriquer l’objet par rapport au texte. On fabrique la marionnette par rapport à une mise en scène comme au théâtre et donc tu as un personnage qui est soit triste, souriant ou fâché.Cela dépend des caractéristiques que tu veux lui donner. Elle doit refléter l’image du scénario et c’est la plus grande difficulté, parce que c’est un objet figé à moins de faire une marionnette hyper articulée. Comment trouver le juste milieu entre le vrai et le faux, c’est là ou le travaille du marionnettiste  se corse.

 

Combien de temps dure la fabrication d’une marionnette?

Ulrich Ntoyo : Cela dépend du personnage et de ce que tu as envie de produire.  Rien que la fabrication d’une seule marionnette, si elle n’est pas difficile à réaliser, te met deux jours. Mais quand je parle de la fabrication, il s’agit ici  de trouver la forme car après arrive l’étape de la  peinture et celui du costumier. Donc la fabrication peut durer une semaine.

 

Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Ulrich Ntoyo : C’est la rue, la foule, bref c’est la vie. J’ai besoin de me retrouver, la ou il du monde, du bruit. Ce qui explique que je suis souvent dehors. Mais je m’inspire des choses qui m’affectent quand par exemple  je reçois des mauvaises nouvelles venant du Congo, cela provoque  en moi une envie folle de mettre sur papier ce moment là. C’est la même chose quand je commence à fabriquer une marionnette. Quand après plusieurs essaies je n’arrive pas donner une forme  ma poupée, je sors, je me promenade dans mon quartier, je m’arrête parfois dans un bistrot, je discute et par le pur des hasards un homme passe devant moi, voila je trouve mon personnage et je file rapidement  dans mon appartement et je me met à l’œuvre et tant que je n’ai pas fini de fabriquer, je n’arrive pas à m’endormir

 

Quand est ce que le public congolais pourra voir Patricia sur les scènes nationales ?

Ulrich Ntoyo : Je viens en décembre prochain avec un spectacle de marionnettes et j’emmènerai aussi Patricia. Mais comme les spectacles de marionnettes coûtent assez chers, je vais venir avec un spectacle léger. Pendant mon séjour à Pointe Noire, j’ai longuement discuté avec l’animatrice culturelle, elle m’a demandé de lui envoyer aussi mon projet. Je reviendrais certainement avec Dorient, on a projet sur la marionnette sur eau qu’on voudrait bien faire découvrir au public congolais.

 

Résident en France, vous avez assisté à la septième édition de Mantsina sur scène, peut-on avoir votre opinion :

Ulruch Ntoyo : Cette édition, a connu des grandes difficultés au niveau de l’organisation. Cela peut s’expliquer car à un mois de l’édition, nous étions encore en tournée et on a organisé Mantsina en trois semaines, ça été comme tiré le taureau par les cornes. Mais on a tenu tête, les spectacles se sont certes pas déroulés comme nous l’avions souhaité, l’engouement du public congolais n’était pas au rendez vous c’est vrai car l’essentiel du public été composé d' artistes, mais ce qui nous a réjouis, est que nos invités ont pu découvrir le travail qui se fait sur place, et c’est une bonne chose car parmi eux, certains peuvent devenir des  éventuels partenaires lors des éditions prochaines.

 

Je te laisse le dernier mot

Ulrich Ntoyo : Je pense qu’on a  perdu quelque chose au niveau du théâtre. Actuellement, nous devons à réfléchir sur comment réhabiliter cet art. Comment intéresser le public au théâtre. Nous avons besoin du public,  car tu as beau présenté une superbe représentation, si tu joues uniquement  pour ta famille et tes amis artistes, tu ne fais rien car tu ne touches pas le public congolais. Je pense qu’il temps d’impliquer tout le monde pour que l’art ne soit pas seulement une affaire d’artistes, que tous les congolais s’y retrouvent car au travers de l’art on peut arriver à  changer les mentalités.  Et pour que cela devienne une réalité, il est indispensable que les pouvoirs publics nous assistent. Et j’ai toujours en mémoire une phrase qui me booste, c’est celle que Ndalla Graye nous a adressé lors de la première édition de Mantsian sur scène « si vous faites rien pour vous-même, mourez ». Une phrase qui me  donne envie de me battre.

 

                                                              Propos recueillis par Annette Kouamba Matondo



21/03/2012
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