Sandra Makiza, psychologue
"Non, la vie ne s’arrête pas avec le VIH/Sida !"
(CRP/Syfia) Depuis son arrivée à l’hôpital général de Dolisie en février 2013, la psychologue Sandra Makiza redonne le sourire et le goût de vivre aux séropositifs. Âgée d’une trentaine d’années, elle accompagne et exhorte en particulier les femmes à accepter leur état sérologique et à aller de l’avant.
Vous êtes régulièrement visité par des patients atteints du VIH/Sida. Comment expliquez-vous cette fidélité ?
Sandra Makiza : En effet, je reçois constamment des personnes vivant avec le VIH/Sida. Les femmes constituent pour moi la cible la plus fragile, dans la mesure où elles se sentent abandonnées une fois qu’elles sont déclarées séropositives. Elles pensent alors que leur vie est finie et qu’il n’y a plus d’espoir. Mon devoir est de leur redonner goût à la vie, de leur dire que la honte, le défaitisme, la peur sont des freins à leur épanouissement personnel et à celui de leurs familles. Et cela retarde leur guérison.
Quels résultats obtenez-vous ? Quelle est la fréquence des visites des patientes ?
Sandra Makiza : Quand les patientes arrivent à l’hôpital, j’essaye d’établir une relation de confiance avec elles, d’installer un climat de sécurité entre nous. Ce n’est pas facile. Au début, certaines ont du mal à se confier. Mais, grâce au consulting, qui consiste à écouter, encourager et à donner des conseils au patient (instructions sur sa nouvelle vie sexuelle, prise régulière du traitement, interdiction de toucher à l’alcool), on arrive à des résultats satisfaisants. Chaque semaine, je reçois sept à dix personnes (y compris les hommes). 90 % de mes patients reprennent espoir grâce à cet accompagnement psychologique. Je leur rends également visite à domicile, quand ceux-ci ne sont plus réguliers à l’hôpital.
Grâce à cet accompagnement psychologique, peut-on dire que les femmes atteintes du VIH/Sida commencent petit à petit à briser le silence?
Sandra Makiza : Malheureusement, celles-ci ne sont pas encore prêtes à avouer publiquement leur état… Elles ont encore peur d’être stigmatisées. Le véritable problème à Dolisie est le manque d’informations. Il faut multiplier les sensibilisations sur le mode de transmission de cette maladie et arrêter de croire que c’est seulement aux prostituées, aux drogués et aux personnes de mauvaises mœurs que cela arrive !
Le silence des personnes atteintes pourrait-il expliquer la propagation du VIH/Sida ?
Sandra Makiza : Je ne peux pas l’affirmer, mais il peut y contribuer, car les gens ne sont pas assez informés. Tenez, par exemple, j’ai reçu récemment une jeune fille qui a révélé son état sérologique à se parents. Ceux-ci ont mal pris la nouvelle, en particulier sa grand-mère, qui lui a violemment interdit l’accès à sa maison de peur d’être contaminée… Beaucoup de personnes préfèrent donc garder le silence pour ne pas être mises à l’écart. Mon souhait est que les structures comme le Conseil national de lutte contre le sida (CNLS) et le Programme nationale de lutte contre le sida (PNLS) prennent le relai pour informer la population à travers la radio nationale.
Quelles difficultés rencontrez-vous ?
Sandra Makiza : Je parlerai de l’entêtement des patients, qui refusent d’accepter leur statut sérologique, mais aussi de ceux qui refusent de se faire dépister, malgré des signes médicaux inquiétants. Ils reviennent à l’hôpital quand la maladie s’est aggravée et, à ce niveau, le travail est plus difficile… La personne arrive affaiblie, découragée, au point de vouloir parfois se laisser mourir. Petit à petit, j’essaye de recoller les morceaux en leur répétant sans cesse : "Non, la vie ne s’arrête pas avec le VIH/Sida !" Une devise qui marche, car après la détresse, la culpabilité et la honte, l’envie de vivre reprend malgré tout le dessus.
Quelle est la tranche d’âge des personnes atteintes du VIH/Sida? Recevez-vous des femmes contaminées à la suite d’un viol ?
Sandra Makiza : De 15 à 65 ans. Les personnes qui viennent sont en général discrètes sur l’origine de leur maladie. Je respecte leur silence. Beaucoup découvrent leur séropositivité lors d’un contrôle médical de routine. C’est là qu’intervient mon travail. J’essaye de redonner de l’espoir à ces personnes qui ne croient plus en rien.
Comment êtes-vous parvenue à fidéliser vos patients ?
Sandra Makiza : Je pense que c’est grâce à ma disponibilité. Je vous donne l’exemple de ce patient, qui passe régulièrement au bureau, à chaque fois qu’il a un problème. Il m’expose ses doutes, ses soucis, sa peur de l’avenir, notamment en ce qui concerne le mariage. Mon rôle est de rassurer ces personnes, de leur donner envie de se battre. Je leur répète qu’être atteintes du VIH/Sida n’est pas une fatalité
Propos recueillis par Annette Kouamba Matondo
Mai 2014
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