Parfois on croit avoir fait le deuil, mais il y a certains fantômes dont on du mal à se débarrasser
Cinéma
Annette Kouamba Matondo, journaliste réalisatrice
« Parfois on croit avoir fait le deuil, mais il y a certains fantômes dont on du mal à se débarrasser ».
Dix documentaires de création ont été présentés les 28 et 29 juillet derniers au Centre Culturel Français de Brazzaville. Ces nouvelles réalisations cinématographiques éloignées des clichés comme la famine, la guerre, le sida et autres fléaux, (qui ont longtemps identifié l’Afrique) ont posé un regard sur le travail de 10 artistes congolais renommés ou en quête de reconnaissance. Initié par les maisons de production Inzo Ya Bizizi( Congo) et Play production ( France), ces film sont un pont entre la vielle et l’ancienne génération. Nous avons rencontré une des réalisatrices Annette Kouamba Matondo qui nous parle de ses deux films « De quoi avons-nous peur », film avec le comédien Dieudonné Niangouna et « On n’oublie pas, on pardonne » avec la comédienne Sylvie Diclos Pomos.
Question: Pouvez vous nous parlez de vos films ?
Annette Kouamba Matondo: Le premier film, « De quoi avons-nous peur », avec Dieudonné Niangouna pose la question de la peur. À Brazzaville, la peur est devenue comme une pathologie. Le congolais a peur de réclamer ses droits, à peur dire ce qu’il pense, de livrer une information, bref de s’exprimer. Cette hantise empêche la parole. A l’opposé, Dieudonné Niangouna, artiste comédien, metteur en scène et auteur congolais s’est débarrassé de sa peur et ose dénoncer les travers de la société congolaise. Et la scène est devenue son ring ou tout à tour, il met sur le banc de touche la politique, la société, l’économie du Congo…Tandis que le second film avec Sylvie Diclos Pomos, « On n’oublie pas, on pardonne », je pose avant tout la problématique l’écriture. Ecrire pour se souvenir car les gens ont trop tendance à oublier, écrire comme un devoir de mémoire mais aussi écrire pour s’évader dans un monde meilleur, fuir la réalité parfois cruelle. Toute cette démarche s’effectue autour de l’affaire du Beach, un thème qui a fait couler plein d’encre au Congo après un procès ou tous les soient disant coupables ont été acquittés.
Question : Quelle a été la durée de ces productions ?
Annette Kouamba Matondo : Tous les six réalisateurs avaient cinq jours de tournages et dix jours de montage. Un délai que nous avons tous respecté vu que nous étions tenu par le facteur temps. Des moments d’angoisses, parfois de doutes, bref ces moments l’incertitude ont été e stress qui est balayé d’un revers de main, une fois que le film commençait à prendre forme.
Question : Pourquoi vous avez pleuré à la fin du film avec Sylvie « On n’oublie pas, on pardonne » ?
Annette Kouamba Matondo : Aujourd’hui encore je ne peux pas vous dire pourquoi j’ai pleuré à ce moment. Il y a des émotions qu’on ne contrôle pas, je croyais avoir oublié et non, voila que tout le passé que j’avais enfouis quelque part dans mon cerveau a rejaillit. Au départ je ne voulais mettre cette partie dans le documentaire, c’est une partie de vie privée. Mais cette partie exprime la véritable question de l’oublie. Peut réellement oublier ou fait-on exprès d’oublier. D’où ce titre on n’oublie pas on pardonne, en ce sens que, je suis entièrement d’accord avec Sylvie, qu’il faut parler, interpeller pour qu’on ne puisse plus tomber dans les mêmes erreurs. On croit avoir fait le deuil, mais il y a certains fantômes dont on du mal à se débarrasser. La seule thérapie reste le dialogue, partager ses soucis, ses problèmes.
Question : Après cette projection avez vous réussi a vous débarrasser de vos fantômes ?
Annette Kouamba Matondo : Une chose est sure, je n’ai pas pleuré ce soir en visionnant ce film, je pense que c’est une première étape d’une longue thérapie, je crois que je suis sur la bonne voie vers la guérison.
Question : Peux tu nous parler de ton film avec Dieudonné Niangouna ?
Annette Kouamba Matondo : Le film avec Dieudonné est très important pour moi car c’est mon film test ; j’ai eu beaucoup de mal a calé un programme avec dieudonné. Au départ, je croyais que je pourrais filmer les répétitions, voir comment l’artiste travaillait, comment il méttait en forme ses spectacles. Mais Dieudonné était stricte sur ce point ; « pas de filmage lors des répétitions ». Mais de quoi avait-il peur ? A partir de ce fait je me suis aussi inspirée de mes observations ? Depuis un certain moment à Brazzaville, on trouve de plus de maisons qui ressemblent des prisons, on érige des grands murs avec au dessus des fils barbelés. Même constat en ce qui concerne le cortège présidentiel ce sentiment de surprotection. Une anecdote à ce sujet, lors du tournage, j’ai demandé aux membres de l’administration du projet si je pouvais filmer le cortège présidentiel, on m’a dit qu’il y avait trop de risque et ajoute à cela les tracasseries administratives pour obtenir l’autorisation. On a tous peur de quelque chose, moi en tant que journaliste, le consommateur de la société national aussi, l’artiste… et pourtant Dieudonné a su surmonter « sa peur » grâce aux planches ou dénonce sans fard les maux qui minent notre société
Question : Comment êtes vous arrivée au cinéma ?
Annette Kouamba Matondo : Je pense que c’est un coup du destin. Quand j’ai reçu la première fois le mail de Rufin sur l’appel à projet des talents du Congo, je n’ai pas répondu immédiatement car j’avais une formation sur l’écriture journalistique avec l’agence Syfia international. Mais grâce aux exhortations de Rufin, je me suis lancée dans cette aventure, en m’inspirant d’un premier travail que j’avais présenté à Africa doc en 2008. J’ai donc écris à Francois Fronty l’encadreur du projet et on a commencé à travailler avec lui par internet étant donné qu’il se trouvait en France. J’avoue que j’ai eu du mal au départ à suivre la marche. François me rappelait chaque fois que j’étais trop dans la peau du journaliste et qu’il fallait que je me débarrasse de cette casquette, pour porter celle de la réalisatrice. Une étape difficile, mais je pense que les deux casquettes ont donné naissance à ces deux réalisations qui techniquement ont des choses à revoir mais dans l’ensemble je suis assez fière de ces documentaires.
Question : Qu’est ce que cette expérience vous a apporté ?
Annette Kouamba Matondo : Personnellement et humainement, ces trois mois de formation m’ont permis de sortir de mon carcan et de m’ouvrir aux autres. J’ai toujours travaillé seule, car je suis journaliste à la presse écrite. Lors du tournage, j’avais à mes cotés une équipe : un cameraman, un preneur de son, puis un encadreur. Trois personnalités et j’étais entre parenthèse le capitaine du bateau. Mais cela ne m’a permis d’écouter de discuter et échanger avec les autres. Cette symbiose m’a enrichit car cela a été des véritables moments de partage. Idem lors du montage.
Question : A quand le nouveau film ?
Annette Kouamba Matondo : Je ne sais pas, il faut que je m’habitue déjà au fait que j’ai deux films, il faut que j’en fasse la promotion, je veux avant tout voir ces bébés grandir et pendre ensuite la décision d’en faire un autre ? Ce n’est pas ce que nous faisons qui compte mais la dose d’amour que nous mettons pour y parvenir, donc je prends mon temps, ce n’est pas une course.
Propos recueillis par Berna Marty
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