Basango-ya-Brazza.

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Paludisme : si chère gratuité…

 

(CRP/Syfia) Dans plusieurs hôpitaux et centres de santé de Brazzaville, femmes enceintes et enfants de moins de 15 ans continuent à payer pour être soignés du paludisme. Médecins, OSC et patients regrettent que la gratuité promise par le chef de l’Etat fin 2007 tarde à entrer en vigueur.

 

Entassées sur un long banc, une vingtaine de femmes patientent. Certaines sont enceintes, d’autres avec leurs enfants. En ce mois de juin, elles attendent depuis plus de 45 minutes leur tour pour être consultées au centre de santé intégré au quartier Kinsoudi, à Brazzaville.

Magalie, le visage renfrogné, son bébé assis sur les jambes, déclare : "Le mois dernier, je n’ai pas payé le traitement de palu pour mon fils de 8 ans et aujourd’hui, on me demande d’acheter le sirop prescrit contre cette même maladie pour mon bébé… Je n’y comprends plus rien !" Une infirmière de ce centre de santé, qui a requis l’anonymat, explique : "Les premiers mois, l’annonce du président a été suivie d’effets. Mais, au fil des ans, le manque de médicaments a entraîné des dérapages. D’autant plus qu’après ce discours, aucune mesure réelle n’a été évoquée pour contrôler et suivre ce projet... "

Aujourd’hui, le discours du chef de l’Etat, qui annonçait, fin 2007, dans son discours de fin d’année, que le traitement médicamenteux du paludisme devrait être gratuit pour les enfants de 0 à 15 ans et les femmes enceintes, semble bien loin… Certes, son appel a donné naissance, une année plus tard, au projet du ministère de la Santé "Halte palu" avec un volet curatif et un autre préventif, mais les bonnes intentions tardent à se concrétiser partout... Raissa témoigne : "En janvier dernier, je suis arrivée à l’hôpital Marien Ngouabi  de Talangaï avec mon fils de 3 ans qui avait un palu. Le médecin nous a demandé 2 500 Fcfa (près de 4 €) pour la perfusion. Nous avons ensuite décaissé 15 000 Fcfa (23 €) pour l’ordonnance, plus 1 500 Fcfa (2 €) pour la consultation." Au total, elle dit avoir payé ainsi 19 000 Fcfa (près de 30 €) pour un traitement qui aurait dû être gratuit... Prospère Bassakanana, coordonnateur des soins de cet hôpital, affirme, lui, au contraire, "donner automatiquement et gratuitement les médicaments, quand nous diagnostiquons un palu. Dans le cas contraire, nous remettons au patient une ordonnance."

 

Médicaments détournés

Le docteur Pascal Itoua, chef de service au centre intégré de Bissita, explique de son côté que "le lot de médicaments provenant du ministère de la Santé ne suffit pas à couvrir la demande. Nous sommes donc parfois obligés de prescrire une ordonnance. Le paludisme est accompagné de différents symptômes. Nous traitons gratuitement le palu, mais nous prescrivons une ordonnance pour les autres symptômes."

Régis Ntsila Karym, médecin au service de pédiatrie à l’hôpital de Makélékélé et collaborateur du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLCP) mené en partenariat avec le Fonds mondial de lutte contre le paludisme et le gouvernement, insiste sur les avancées : "En 2012, quand je suis arrivé à la direction du Programme, 60 % des femmes enceintes et des enfants de moins de 15 ans hospitalisés ont bénéficié de médicaments gratuits. Mais, je reconnais qu’il y a des efforts à fournir pour lutter contre les ruptures de stocks et garantir la gratuité à 100 %."

A propos de ces ruptures, le docteur Régis indexe les mauvaises pratiques de certains médecins qui, affirme-t-il, "détournent les médicaments, font parfois des faux diagnostics et attribuent par la suite le traitement à ceux qui n’en n’ont pas besoin. Il y a aussi le problème de délais de livraisons. Résultat : les médicaments acquis ne couvrent pas la demande." Pour contourner cette difficulté, le Centre de santé intégré Jane Viale, au quartier Ouenzé, a mis en place, il y a environ un an, des cotisations : 1 500 Fcfa (2 €) pour les nourrissons et 2 500 Fcfa (près de 4 €) pour les femmes enceintes. Objectif : "permettre au centre de santé  de s’approvisionner en médicaments, car la dotation du ministère est devenue occasionnelle", justifie-t-on dans ce centre.

 

Mieux vaut prévenir…

Une parade non conforme aux souhaits émis fin 2007 par le chef de l’Etat. Le psychologue Florian Kouckodila de l’ONG congolaise Médecins d’Afrique, rappelle que "la gratuité avait pour objectif de rendre accessible le traitement du paludisme et d’en réduire les conséquences." En effet, selon une étude de 2011 évoquée par ce psychologue, le palu constituerait au Congo 60 % des motifs de consultations et 70 % des causes de décès des enfants de moins de 5 ans.

Le docteur Régis souligne que le volet curatif a tout de même "rendu accessibles les antipaludiques et réduit la mortalité", mais l’idéal, selon lui, serait de renforcer le volet préventif. A ce jour, fait-il savoir "au Fonds mondial, on encourage, par le biais de spots publicitaires diffusés sur la chaîne nationale, les enfants et les femmes enceintes à utiliser la moustiquaire imprégnée, à se soigner préventivement et à assainir leur environnement."

 

Annette Kouamba Matondo

 



28/06/2013
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