Basango-ya-Brazza.

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Faire le "rallye" plutôt que se prostituer

 

(CRP/Syfia) Dans les rues de Pointe-Noire, des femmes courageuses bravent les intempéries pour vendre à la criée du poisson, du pain ou des fruits. C’est ce qu’on appelle ici le "rallye". Une façon d’être indépendante des hommes.

 

Cuvette sur la tête, Bibine Massouangui, la trentaine révolue, veuve et mère de deux enfants, vend du pain à la criée dans les rues de Pointe-Noire. Les Ponténégrins comparent ce métier à un "rallye", car ces femmes courageuses font des kilomètres et des kilomètres. Les clients et clientes de Bibine sont souvent admiratifs. "C’est rare de voir une si jolie femme braver les intempéries pour vendre le pain. D’autres exploitent plutôt leur beauté pour être totalement prises en charge par l’un ou l’autre donateur !", fait remarquer Prisca Mankou, une enseignante.

 

Bibine Massouangui ne vise qu’un objectif : se mettre à l’abri des caprices des hommes. Elle explique : "Quand mon mari est mort, des copines m’ont conseillée de m’accrocher aux hommes pour survivre. Etant donné leur comportement actuel, j’ai refusé de solder ma dignité. Les 3 000 Fcfa (4,5 €) que je gagne chaque jour avec mon rallye remplacent valablement ce que me donnait mon défunt époux."

 

Grâce au "rallye", d’autres femmes renforcent, elles, la tirelire familiale. "Mon mari est menuisier, il n’a pas souvent de marchés. Pendant cette période de galère, c’est moi qui fais fonctionner le ménage. Certaines femmes font plutôt des virées avec d’autres hommes en toute clandestinité pour améliorer leurs revenus. Moi, je me contente de ce que je gagne en vendant du poisson à la criée", se réjouit Mlle Bondo.

 

 

"Le prix de la dignité"

A Pointe-Noire, d’autres femmes se prostituent en effet pour survivre. "J’ai trois enfants que j’ai eus de pères différents quand j’étais adolescente. Ces derniers m’ont tous abandonnée. Personne ne pense à acheter à mes enfants ne serait-ce que du pain pour le petit déjeuner. Je n’ai pas d’emploi, mais j’ai un corps à mettre à profit... Je sais que je suis la risée des gens. Pourtant, je n’ai pas d’autre choix que de vivre ainsi, témoigne sous anonymat une professionnelle du sexe. Elle poursuit, une  nuit me rapporte au moins 10 000 Fcfa (15 €). L’important est de me protéger pour ne pas contracter ou propager une maladie."

 

D’autres renforcent ainsi les revenus du foyer. "Je vie en couple avec un vigile. Les 60 000 Fcfa (90 €) qu’il gagne ne suffisent pas. Rien que pour le loyer, nous dépensons déjà chaque mois 50 000 Fcfa (75 €)… Mon ami me permet donc d’aller servir d’autres hommes. Le matin, je lui rends compte du gain de la nuit. Celui-ci varie entre 15 et 20 000 Fcfa (entre 23 et 30 €). Notre objectif est d’acquérir une parcelle et d’ouvrir un commerce. A ce moment là, c’est sûr, j’arrêterai. De toute façon, ce métier, c’est comme le football. Tu le pratiques quand tu es jeune et forte !", explique une de ces femmes.

 

La police multiplie les patrouilles et les rafles pour décourager ces prostituées. Au Congo, la prostitution est en effet considérée comme un attentat aux mœurs dans le Code pénal. Pourtant, conduites au commissariat, elles sont souvent relâchées le lendemain "après avoir été conscientisées sur les méfaits de la prostitution", assure un officier de police. Plutôt, "après avoir glissé un billet", affirment certaines prostituées. Résultat : "des filles, même issues de familles aisées, rôdent toujours la nuit. La prostitution chez nous est un problème de culture et de paresse", juge Anne Marie Mampouya-Nkouka, directrice départementale de la promotion de la femme à Pointe-Noire.

 

Elle exhorte les femmes à mener des activités plus saines : "Elles peuvent pratiquer la coiffure ou la couture ! Nous les informons des dangers de la prostitution, mais la plupart renouent avec ce métier. C’est pourquoi, je félicite les femmes du rallye qui ont compris que l’autonomisation n’est pas un cadeau. On doit y parvenir au prix de l’effort et dans la dignité."

 

John Ndinga-Ngoma



14/08/2014
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