Doctrovée Bantsimba artiste peintre (Congo Brazzaville)
« Parler de ma souffrance et celle des autres m’a aidé à apaiser ma douleur»
Après un stage dans l’atelier de l’artiste Remy Etsion (artiste peintre congolais), puis un autre en gravure sur bois à l’institut français du Congo, Doctrovée a désormais trouvé sa voie grâce à sa rencontre avec les ateliers SAHM il y un an. Ses de matériaux de travail : des stylos à bille et des verres brisées ont donné vie à une œuvre singulière nommée « Soustraction », qui a fait l’objet d’une exposition au siège des ateliers SAHM au quartier Diata.
Bien que son talent soit encore peu perceptible, Doctrovée, la vingtaine se distingue des jeunes de sa génération par rapport à la thématique de sa palette mais aussi et surtout à la maturité de ses œuvres. L’inspiration première de son œuvre c’est son histoire, sa vie. Son œuvre bâtie essentiellement sur ses tourments et ceux des autres, n’est pas ici un moyen d’attirer la compassion. Au contraire, elle donne à voir un pan de son histoire et ceux des autres handicapés, très souvent mal compris par l’imaginaire populaire. « Les personnes dites aptes sous estiment souvent les handicapés et ne leur laisse aucune chance de s’émanciper tant dans le domaine professionnel que social » a fait savoir Doctrovée
Doctrovée commence à peintre suite à une injection de Quinimax (traitement de paludisme) qui provoque chez la jeune fille une immobilité de ses membres inférieurs durant une année. Une période trouble qui la tourmente. Et pour apaiser sa souffrance, elle se met à la peinture, un passe temps salutaire puisque celui-ci lui a permis de s’accrocher à la vie, de panser ses blessures.
On est ainsi frappé par l’assemblage des tessons représentant un homme mal voyant ayant pour œil une vidéo au-dedans duquel on peut lire ses pensées via des images qui défilent. La suite est encore plus fort, des incroyables portraits allant de l’enfant mongole et malformé, de la jeune fille aux béquilles, de l’enfant au crâne démesuré…
Doctrovée s’investit corps et âme dans sa besogne, ses coups de stylos résolument déterminés évoluent en fonction de son état physique et moral. On perçoit son énergie à vouloir vaincre la souffrance, la honte ressentie, le regard malveillant des autres. Elle réveille, secoue, bouleverse les consciences, et interpelle à la même occasion les décideurs politiques.
Un travail singulier dont la force repose sur sa technique de travail. Ses toiles combinant grands formats et matériaux économiques (stylo à bille à la place de la gouache), tessons (pour exprimer les cassures et les blessures de la vie) a donné naissance à une peinture volcanique tant les productions affichées tout au long de la visite renvoie à une sensation de malaise.
Dortrovée veut briser les barrières déclinatoires entre l’infirme et la personne dite aptes « Je ne voulais pas m’enfermer dans ma douleur, il fallait que j’extériorise ce que j’avais sur le cœur, cela a été en même temps une sorte de thérapie et de jouissance pour moi » a fait savoir l’artiste.
Bref, une peinture quoique pénible à certains égards mais enthousiasme puisqu’elle accouche une incontestable envie de se battre, de vivre.
Annette Kouamba Matondo
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