Basango-ya-Brazza.

«  Parler de ma souffrance et celle des autres m’a aidé à apaiser ma douleur»

Après un stage dans l’atelier de l’artiste Remy Etsion (artiste peintre congolais), puis un autre en gravure sur bois à l’institut français du Congo, Doctrovée trouve désormais sa voie grâce à sa rencontre avec les ateliers SAHM et aussi ses multiples expositions collectives au niveau national. Ses de matériaux de travail : des stylos à bille et des verres brisés ont donné vie à plusieurs travaux « Soustraction », œuvre singulière qui a fait l’objet d’une exposition au siège des ateliers SAHM et depuis la jeune artiste a pris son envole et partout ou elle dépose ses empreintes, les visiteurs sont charmés. Après Dem Dick, D’une rive à une autre, l’artiste présentera prochainement à l’IFC sa toute première exposition solo.

Doctrovée commence à peintre suite à une injection de Quinimax (traitement de paludisme) qui provoque chez la jeune fille une immobilité de ses membres inférieurs durant une année. Une période trouble qui la tourmente. Et pour apaiser sa souffrance, elle se met à la peinture, un passe temps salutaire puisque celui-ci lui a permis de s’accrocher à la vie, de panser ses blessures.

Doctrovée s’investit corps et âme dans sa besogne, ses coups de stylos résolument déterminés évoluent en fonction de son état physique et moral. On  perçoit son énergie à vouloir vaincre  la souffrance, la honte ressentie, le regard malveillant des autres. Elle réveille, secoue, bouleverse les consciences, et interpelle à la même occasion les décideurs politiques.

Un travail singulier dont la force repose sur sa technique de travail. Ses toiles combinant grands formats et matériaux économiques (stylo à bille à la place de la gouache), tessons (pour exprimer les cassures et les blessures de la vie) a donné naissance à une peinture volcanique tant les productions affichées tout au long de la visite  renvoie à une sensation de malaise.

Authentique dans son langage, Doctrové a reçu comme le témoigne Job Ikama critique d’art et journaliste aux ateliers Sahms le premier prix de la peinture  à l’issue de la 1 ère édition des rencontres internationales d’art contemporain des ateliers SAHMS à Brazzaville.

« En 2013 lors de  la résidence au sein de notre centre d’art, elle a développé une œuvres forte, originale, sincère. L’élan créatif  dont elle fait montre témoigne  de la difficulté de lui attribuer un matériau de prédilection, elle est passée du gribouillage à l’aide de stylo à bille, au collage de morceau de verres, et aujourd’hui aux estampillages (…)» a déclaré Job heureux que son travail présenté en mai 2014 à la biennale de Dakar ait fait belle impression.

Doctrovée, la vingtaine se distingue des jeunes de sa génération par rapport à la thématique de ses œuvres mais aussi et surtout à la maturité de son travail. L’inspiration première de son œuvre c’est son histoire, sa vie. Son œuvre bâtie essentiellement sur ses tourments et ceux des autres, n’est pas ici un moyen d’attirer la compassion.

Au contraire, elle donne à voir un pan de son histoire et celles des autres. Dans « Dem Dick », (inscription gravée dans les bus public dakaroise) qui signifie « aller et  retour » est un clin à l’histoire du Sénégal mais aussi de toute l’Afrique entière.

D’une rive à un autre, son récent travail présenté à Kinshasa évoque les rapports qu’entretiennent le Congo Brazzaville et la RDC. Loin des querelles politiques l’artiste s’intéresse plutôt aux différents échanges humains et culturels qu’ont toujours caractérisés les deux Congo.

En définitif, l’œuvre de Doctrové, quoique pénible à certains égards mais enthousiasme  puisqu’elle accouche une incontestable envie de se battre, de vivre. Primé lors de la Sanza de Foa 2015, Doctrové marque dorénavant d’une pierre blanche le paysage pictural congolais.

Annette Kouamba Matondo