Basango-ya-Brazza.

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Des mères dénoncent ouvertement l'inceste

 

(CRP/Syfia) A Brazzaville, encouragées par des OSC et des médecins spécialisés, des mères osent enfin briser la loi du silence qui entoure l'inceste. Plusieurs pères indignes sont ainsi arrêtés. D'autres continuent, en toute impunité, après des pressions familiales pour des arrangements financiers à l'amiable…

 

"Récemment un père a violé sa fille de 4 ans à Brazzaville. Il a été interpellé par la police puis relâché après un arrangement entre la famille de sa femme et lui", regrette Carole, la quarantaine, rongée à son tour par la peur pour ses filles de 7 et 12 ans. Ces dernières vivent en effet chez leur oncle paternel depuis le décès de son mari il y a deux ans, car elle est trop pauvre pour s'en occuper elle-même.

Julienne, institutrice dans une garderie, qui vit seule avec sa fille de 2 ans, est elle aussi dégoûtée : "Il y a un mois, le mari de ma sœur a violé sa fille de 12 ans. Il violait aussi son jeune frère de 9 ans. Nous avons découvert la vérité quand ma nièce est venue accuser mon beau-frère. Si elle ne s'était pas confiée à moi, nous n'aurions jamais su qu'il violait aussi le petit !" En voyant sa nièce en larmes, Julienne a porté plainte au poste de police. Le beau-frère y a été convoqué puis transféré à la maison d’arrêt où il attend à présent d’être jugé, explique Julienne, qui avoue tout de même : "Il m'a fallu une bonne dose de courage pour aller à la police, car il s'agit tout de même du mari de ma sœur…"

 

"J'ai porté plainte contre mon mari, mais…"

"Des cas comme ceux de Julienne, il y en a beaucoup", reconnaît un gendarme qui a requis l’anonymat. Il déplore toutefois l’attitude de la plupart des familles qui, après avoir porté plainte, reviennent sur leur décision : "Certaines plaintes n'aboutissent pas à cause des ententes entre l'auteur qui a peur de salir son image et propose de l'argent à la mère qui l'accepte sous la pression de sa famille." De son côté, M. Koléla, chef du quartier de Kinsoudi, dans le 1er arrondissement de Brazzaville, observe : "Je reçois très peu de personnes pour des affaires d'inceste. En outre, je n'ai pas les compétences requises pour les régler. Si cela arrivait, je les renverrais certainement vers la gendarmerie la plus proche."

Tshikouri Samba, psychologue à l’unité de lutte contre les violences sexuelles de l’hôpital de Makélékélé, est malgré tout plein d’espoir, lui qui voit tous les jours des mères bouleversées : "Même si ces voix sont encore infimes, elles méritent d'être entendues ! Tant que le coupable reste impuni, il peut récidiver et cela peut inciter d'autres à en faire autant."

"Papa m'a mis le doigt en bas", dit par exemple, avec ses mots simples, une fillette de 3 ans, admise à l’hôpital de Makélékélé. "Lors de la confrontation avec son père, elle a répété la même chose. Le père a fini par avouer ses attouchements, en disant qu'ils n'étaient, selon lui, pas intentionnels !", se souvient M. Samba qui, après avoir soigné l’enfant, a encouragé sa mère à porter plainte. "J'ai porté plainte contre mon mari, confirme lentement et les larmes aux yeux, Marielle, la trentaine et sans emploi, avant de poursuivre, mais ma mère, encouragée par mon frère et mon mari, est allée voir mon avocat pour retirer la plainte. Que pouvais-je faire quand ma propre famille se retourne contre moi pour avoir de l'argent ?"

 

Ne plus se taire, la Loi existe

Même si, au niveau des postes de police, gendarmerie et à la Justice , les statiques restent peu éloquentes, Blanche Zissi avocate, mère de deux filles et membre active de l’association Azur développement, observe que "les femmes ont compris qu'elles ne devaient plus se taire. Faute de quoi, les auteurs continuent d'agir en silence et nos enfants sont traumatisés." Depuis peu, et sous la direction de Blandine Moudélé, cette même association a ouvert à son siège une cellule d’écoute pour recevoir toute personne victime de violences domestiques y compris l’inceste. 

La mobilisation de la société civile est indispensable, l'inceste semblant se banaliser dans les familles. M. Samba, dénombre ainsi sur 260 viols domestiques à hôpital de Makélékélé en 2012, 40 incestes sur mineurs (soit 15 % de l'ensemble des viols). Une évolution que ce psychologue met sur le compte des changements des mœurs des Congolais avec par ailleurs l’introduction des nouvelles technologies de la communication.

Si cet inquiétant phénomène touche davantage les familles recomposées (parents mariés plusieurs fois), les familles dites traditionnelles ne sont pas épargnées. Un policier de Kinsoudi, révèle que sur 10 violences sexuelles enregistrées dans son poste de police en une semaine, 4 à 5 sont de nature incestueuse ! : "Beaucoup pensent que cette recrudescence a un rapport avec des pratiques occultes, mais je n'y crois pas trop."

Quelles que soient ses causes, Lilian Barros, de l'OSC Comptoir juridique junior, souligne que le Code pénal (article 331) réprime sévèrement "tout attentat à la pudeur, consommé ou tenté sans violence sur la personne d'un enfant (…) sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende allant de 4 000 à 1 million de Fcfa (de 6 à 1 500 €)." Mais, pour qu'il y ait une condamnation, la victime doit d'abord se faire établir un certificat médical afin de rédiger la plainte et envisager ensuite un procès en bonne et du forme.

Moins disposés que les mamans à briser le silence, plusieurs députés, interrogés sur cette question, n’ont pas voulu s’exprimer.

 

Annette Kouamba Matondo

 



29/03/2013
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