Crise du mariage :
La dot un frein ou un encouragement pour les futurs mariés
En 1984, les hommes et femmes de droit congolais, après maintes réflexions, rédigeaient le code de la famille en tenant compte de certaines réalités de la tradition congolaise. Mais quelques années après, l’évolution de la société a mis en cause certaines composantes de la tradition qui figuraient dans ce code. Il s’agit entre autre de la dot qui est devenue un obstacle à l’accès au mariage pour beaucoup de jeunes hommes sans grands moyens financiers. Voici donc l’opinion de quelques hommes qui ont été déçus et qui pour certains ont opté de vivre en union libre.
« Cinq foulards à tête, cinq pagnes wax Hollandais, cinq sandales pour dames, un costume, une chemise, une cravate et des chaussures assorties avec …» lit Jérôme 43 ans sur une feuille qu’il tient dans sa main droite. Après une courte pause, il enchaine « huit machettes, huit houes des lampes tempêtes …La liste est longue » explique le jeune homme qui range délicatement dans un agenda la liste de la dot qu’il a reçu tout dernièrement de sa belle famille. « C’est une honte, je ne suis pas une marchandise à vendre » a réagit promptement Mireille la fiancée de Jérôme qui vivent ensemble depuis cinq ans.
En 1984, pour éviter que la dot ne constitue un obstacle au mariage, le code de la famille congolaise fixait le montant de la dot à 50000 Fcfa. Mais cette décision n’est pas respectée, dans la mesure où ce montant est désormais fixé en fonction des familles, ce qui décourage certains candidats désireux de se marier dans la mesure où le mariage coutumier est maintenant célébré avec faste, afin d’honorer « la puissance financière » des deux familles.
Une enquête réalisée à Brazzaville pendant l’année académique 2011-2012 par des universitaires auprès d’un échantillon de 622 couples dont l’âge varie entre 19 et 78 ans pour les femmes et 21 et 81 ans pour les hommes, révèle que le montant de la dot défini par le code de la famille n’est pratiquement pas respecté par aucune famille.
« Le plus injuste est que, tant que vous n’avez pas encore fait la dot vous ne pouvez pas passer devant monsieur le maire, moins encore devant le pasteur. A moins de vous entendre avec les beaux parents. Mais ce n’est pas très évident car les familles sont devenues tellement voraces qu’elles mentent même devant le maire et déclarent hypocritement avoir reçu 50000 fcfa imposé par le code, lors de la célébration du mariage officiel, alors qu’un montant estimé entre 500.000 et 800.000 Francs fcfa leur est versé en plus des cadeaux en nature qui accompagnent la cérémonie du mariage traditionnel » a fait noter Francis 32 ans qui n’a pas pu obtenir cet arrangement de ses beaux parents et à été obligé de faire sa dot. « Je suis sorti de là, asphyxié de dettes » a reconnu Francis
« Les parents oublient souvent qu’après la cérémonie de la dot, les mariés bien que honorés y sortent les poches vides et c’est en rentrant chez eux que les problèmes commencent » a témoigné Albert 46 ans, chauffeur de taxi. « Ma chance est que Sylvie, ma femme a tenu tête à ses parents. Quand nous avons vu la liste de la dot, cela nous a refroidis, et c’est elle qui a décidé de tout abandonné. Et d’un commun accord nous avons décidé de vivre en union libre, l’essentiel que nous sommes et heureux et que nos enfants sont en bonne santé » a témoigné Albert qui espère un jour honorer sa femme.
Il est prouvé à ce jour que 55,65% des couples vivent en union libre, 15,65% se sont mariés à l’état civil après avoir affronté le mariage traditionnel, 13,22% ont fait un mariage coutumier en attendant de passer devant le maire et 15,48% ont opté pour le mariage coutumier partiel : la dot est versée en deux, voire trois versements à cause des difficultés financières du prétendant.
« Fer à repasser, machettes, scies, lampes tempêtes, et puis encore. Un tracteur peut être » s’insurge Roland, 37 ans qui a reçu depuis plus d’une année la liste de la dot, il dit « je suis commerçant, je me débrouille comme je peux et les parents de ma femme ne tiennent pas compte de mon revenu mon mensuel. Ils veulent s’enrichir sur mon dos, et en plus de cela, ils se proclament chrétiens » a avoué Roland qui tient à épouser sa femme et aller à la mairie pour la sécurité de ses enfants.
« La dot est un symbole, elle officialise un couple, c'est le signe qu’une femme quitte publiquement ses parents pour aller vivre chez son mari » a déclaré pasteur Germain Ibouanga de l’assemblée protestante Baptiste du Congo
Malheureusement cette cérémonie est devenue à ce jour une occasion d’exhibition des biens. « J’ai pris un crédit pour faire face aux dépenses de ma dot. Je voulais honorer ma femme car cela fait dix ans qu’on est ensemble » nous confie Joseph 41ans fonctionnaire, qui rembourse encore son crédit.
« La surfacturation de la dot dans les familles congolaises est devenue monnaie courante. Mais ce que les parents ignorent est qu’ils ralentissent l’élan du fiancé » a témoigné Georges qui explique « une fois dans le ménage, le mari ne cesse de le rappeler à sa femme qu’il l’a acquise a prix d’or. Et je pense que cela rabaisse l’estime de la jeune épouse » a déclaré Georges
L’adage ne dit-il pas « quand on aime on est capable de toutes les folies ». Un dicton que rejette pourtant Paulin la trentaine qui a décidé de faire marche en arrière tant que ses beaux parents ne reverraient à la baisse la liste de sa dot « arrêtons de vendre nos sœurs » clame t-il haut et fort.
Annette Kouamba Matondo
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 24 autres membres