Casseuses de pierre à Mafouta et Kombé
Casseuses de pierre à Mafouta et Kombé
Une mine d’or pour les femmes en quête du travail.
Située dans la partie sud à la sortie de Brazzaville, les carrières des quartiers Mafouta et Kombé sont devenues des véritables mines d’or pour les femmes en quête du travail. Bien décidées à y faire carrière, ces « caillouteuses » sont devenues les piliers de leurs familles. La crise économique, la précarité sociale, la nécessité de joindre les deux bouts voila quelques raisons évoqués par ces femmes soucieuses de donner une meilleure vie à leurs progénitures.
Assisses à même le sol, les foulards négligemment noués sur leurs têtes pour se protéger du soleil, elles frappent inlassablement sur la caillasses. La plupart célibataires et mères, sont souvent accompagnées de leurs enfants. Silencieuses, elles exécutent mécaniquement des frappes, parfois lents ou rapides mais toujours concentrées sur leur labeur, elles ne voient pas le temps passé.
Puis au loin, on aperçoit des corps, ce sont des femmes éparpillées en groupes qui cassent des pierres sous un implacable soleil pour « subvenir aux besoins de leurs familles » comme l’indiquent Viviane et Rolande à l’unisson.
Ces sites, n’eut été la musicalité des pioches et marteaux sur la pierre ressembleraient presque à des îles touristiques. Des tentes grossièrement aménagées ça et là l’aide des pagnes et palmes servent d’abri le temps d’une pause ou d’un couffin pour les nourrissons. « Je suis ici parce que mon mari m’a quitté et il m’a laissé avec les trois enfants. C’est une copine qui m’a emmené ici. Grâce ce que je gagne j’ai pu inscrire mon enfant à l’école cette année » explique Mireille, 27ans.
Ces femmes aux mains sèches et calleuses, pleines de cicatrices et parfois d’éraflures n’ont d’autres choix que de travailler dans ces carrières pour assurer avant tout le quotidien nutritif de leur famille.
Un labeur qui touche parfois à leur féminité puisque certaines d’autres elles à force de dure besogne développent un physique « d’homme » : poignes fermes et fortes, épaules et jambes musclés. « Avant certaines remarques d’hommes me choquaient, mais à présent peu importe de ce qu’ils pensent de moi, je m’en fiche éperdument, l’essentiel est que je sois à l’abri de la prostitution et que je subvienne à mes petits besoins » Fait savoir Raissa qui reconnaît toutefois que si elle avait le choix, elle laisserait tout tomber pour une autre activité.
A ses cotés, Anne Marie Bassadio, le T.shirt trompé par la sueur frappe par moment sur un bloc de pierres. A peine lève t-elle les yeux pour scruter sa voisine qu’elle se lance aussitôt dans sa besogne. Elle a visiblement l’air fatigué et son nourrisson accroché à son sein s’agite. Anne Marie sourit enfin et déclare « Elle est capricieuse ma Nelly, elle veut que je me lève, mais ce n’est pas possible, il faut que je termine cette partie ce soir » explique t-elle avant de se lever encouragées par les autres femmes.
Face à elle, Effie Mbelagani prend une pause pour s’occuper elle aussi de enfant. Il est clair que pour elle, si elle trouvait mieux, elle s’en irait vite de cet endroit, mais pour l’instant elle y reste car dit –elle en souriant, « J’ai quatre bouches à nourrir et je n’ai pas le droit au repos »
Plus loin, les habits totalement mouillés par la sueur, Solange frappe de toutes ses forces sur un bloc de pierre à une cadence lente et régulière. Toujours concentrée sur son travail, elle déclare épuisée « c’est un métier à risque, à la moindre erreur, on a les doigts ou les mains endommagées »
Une centaine de femmes travaillent accompagnés de leurs enfants, certains encore jeunes et frêles dans ces sites. Mais, leur fragilité ne constitue pas obstacle et ne semble guère gêner les parents. Yvette la quinzaine s’exprime « J’aide maman à la carrière car quand je travail bien, je reçois ma part lors de la vente »
Ces femmes, chef de famille bien que conscientes des risques qu’elles encourent (dans le domaine de la santé) n’envisagent pas s’arrêter de travailler pour la simple raison que cette corvée leur est salutaire.
« J’ai fais un constat, chaque fois que je rentre à la maison, je suis obligée de prendre des paracétamol pour apaiser les douleurs musculaires, mais aussi de prendre de beaucoup de lait et de l’eau chaude pour atténuer les maux de gorge et de toux » témoigne Oumba Marguerite qui énumère à la pelle la liste des dangers à la fin d’une journée à la carrière « Courbatures qui à la longue se transforme en rhumatisme chroniques, toux et grippe à répétition, blessures difficile à cicatriser. A cela la, mains rigoureuses et calleuses ne donnent plus de touche tendre aux caresses » déclare t-elle triste.
Un travail rude, mais ont-elles vraiment le choix ?
En plus de la santé le volume du travail dans ces sites est un autre combat que mènent les « caillouteuses » au quotidien. « Le volume de travail est très élevé par rapport à nos revenus, ce que nous gagnons passent d’abord dans la santé et la nutrition, quand à faire des économies, c’est une illusion » assure Marguerite Oumba, la quarantaine, aidée par ses deux aînées âgées de 16 et 12 ans
Pour ces mères majoritairement célibataires, la vente de ces caillasses est l’unique revenu pour assurer le quotidien de la famille. « Ce n’est pas le jackpot, car pour deux mètres de graviers par semaine, nous obtenons 15 à 20000FCFA et ce n’est pas suffisant par rapport à nos charges. » rouspète mère Suzy comme l’appelle ses amies de la carrière.
Piller de leurs familles, elles sont conscientes qu’il faudrait qu’elles mettent fin à cette carrière et s’orientent vers d’autres activités. Mais en attendant cette reconversion, elles sont bien heureuses de gagner leur pain, et leurs combats pour leur autonomie est une belle leçon de morale pour celles qui n’ont pas encore compris que c’est à la sueur de leur front qu’elles mangeront.
Annette Kouamba Matondo
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